Steve Tesich
Traduit par Anne Wicke
Points
février 2012
592 p.  8,60 €
 
 
 

Le carnet à spirales

illlustration Brigitte Lannaud Levy

 

Souvenez-vous : « J’ai trouvé dans mon carnet à spirale,  tout mon bonheur en lettres capitales». Ce sont les paroles d’une chanson de William Sheller dont s’est inspiré  Jean Baptiste Hamelin  pour baptiser la librairie qu’il a ouverte en 2004 à Charlieu, une commune de 4000 âmes  du département de la Loire. Après avoir démarré dans un petit local de 25 m2, ce sont dans les vastes locaux de 300 M2 d’une ancienne boîte de nuit qu’il a emménagé récemment pour donner plus de place aux livres et aux lecteurs. Ce qui est amusant c’est que ce sont les clients qui l’ont aidé à déménager. Et dix-huit mille références, ça fait du volume. Une fois les ouvrages posés sur les étagères et les tables,  la journée s’est terminée en grand apéro. On vit comme ça à Charlieu dans un esprit d’entraide et de convivialité. Poussons les portes de cette chaleureuse librairie.  

Quel roman nous recommandez-vous cet automne ?
« Jusqu’à la bête » de Timothée Demeillers (Asphalte). Une très jolie découverte, un livre poignant.  L’histoire d’un garçon ouvrier dans un abattoir qu’on suit dans son travail à la chaîne, le tri répétitif des carcasses de viande, l’insoutenable cadence,  mais aussi son coup de cœur pour une saisonnière. Emprisonné quelques années plus tard, il revient sur ce qui l’a amené en maison d’arrêt et comment tout à basculé.

Et du côté de la littérature étrangère ?
«  Le sympathisant » de  Viet Thanh Nguyen (Belfond). À Saïgon en 1975, pendant la guerre d’indépendance, un capitaine au service d’un général de l’armée du Sud Vietnam, supposé d’une grande loyauté est en fait un agent double au service des communistes. Cet homme qui finit en exil à Los Angeles devient consultant pour le film Apocalypse Now. Ce roman qui décrypte la guerre entre le Vietnam et Los Angeles est d’une densité rare.

Y-a-t-il un premier roman qui vous a particulièrement marqué ?
« Ces rêves qu’on piétine » Sébastien Spitzer (l’Observatoire) C’est un bonheur de se plonger dans ce livre bien que son sujet soit grave. Il se déroule pendant la terrible marche de la mort. Une petite fille Ava, survivante des camps d’extermination, veut aller vers la vie. Parallèlement on suit une femme Magda Goebbels , « première dame du Reich » qui, elle,va vers la mort, la sienne et celle de ses six enfants  qu’elle va tuer.  Magda  a embrassé l’idéologie mortifère des nazis qui mènera son propre père juif, à être exterminé sans qu’elle intervienne pour le sauver.

À quel roman donneriez-vous le prix Goncourt ?
Sans hésiter à Alice Zeniter pour « L’art de perdre » (Flammarion). C’est une  fresque familiale magnifique entre l’Algérie et la France sur trois générations.  Cette romancière n’a que trente ans, c’est stupéfiant. Et je remettrais le Goncourt des lycéens à François-Henri Désérable  pour « Un certain M. Piekielny » (Gallimard)

Quel livre vous êtes-vous promis de lire ?
Je me replongerais bien dans la littérature russe. Tout Dostoïevski par exemple. Mais pour cela il faudrait que je ne sois plus libraire pour en avoir le temps.

Quel est le livre le plus emblématique de la librairie que vous défendez avec ferveur depuis toujours ?
C’est avec « Les raisins de la colère » de John Steinbeck  que je suis tombé amoureux de la littérature. Mais c’est « Karoo » de Steve Tesich ( Monsieur Toussaint l’Ouverture) qui est vraiment un livre fétiche pour moi.  J’affectionne particulièrement les personnages qui ne sont pas aimables et celui de ce roman ne l’est pas. Notamment, il boit comme un trou, mais n’arrive même plus à être saoul. Tout est bien dans ce libre, l’objet, le contenu, l’éditeur.  Un livre à notre image, celle d’une librairie qui bouscule.

Une brève de libraire
Avoir eu la chance de pouvoir discuter un long moment avec Amin Maalouf.  C’est un homme tellement simple, gentil, accessible. Il venait d’intégrer l’Académie française et semblait comme apeuré par cette nomination.  Il en était si touchant. C’est un très beau souvenir.

Propos recueillis par Brigitte Lannaud Levy
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Le Carnet à spirales
3 bis place de la Bouverie
42190 Charlieu
04 77 60 08 55

 
 
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